Salesforce fait l'objet d'un procès en représailles intenté par un ancien cadre supérieur qui l'accuse d'avoir menti sur les capacités de sa plateforme de traitement de données "Genie". L'entreprise a dévoilé le logiciel l'année dernière, affirmant qu'il est capable de traiter et d'organiser les données des clients en temps réel, mais Karl Wirth, qui était vice-président de la gestion des produits à l'époque, affirme aujourd'hui que tout cela n'était qu'un "mensonge. Il a intenté une action en justice contre Salesforce dans laquelle il allègue avoir subi des représailles de la part l'entreprise pour avoir soulevé des préoccupations concernant les revendications du produit.
Salesforce aurait dupé les clients sur les capacités réelles de son logiciel Genie
Une plainte déposée le 28 juillet 2023 devant le tribunal de district du Massachusetts par Hartley Michon Robb Hannon affirme que "Salesforce a faussement informé le public que sa nouvelle plateforme de données clients (Customer Data Platform - CDP) "Genie" fonctionnait en temps réel, alors que l'outil n'a pas de capacités de traitement en temps réel". Pour rappel, CDP est le terme utilisé par l'industrie du marketing pour désigner un logiciel capable de traiter et d'organiser les données des utilisateurs afin de créer un profil client unique que les entreprises peuvent ensuite utiliser pour faire la publicité d'un produit ou créer une expérience client personnalisée.
La plainte a été déposée au nom de Karl Wirth, ancien vice-président de la gestion des produits. L'action en justice allègue que Salesforce a fait ces déclarations lors de la conférence Dreamforce de septembre 2022. L'un des avantages du traitement des données en temps réel annoncé par Salesforce serait, par exemple, qu'un hôpital peut avoir besoin des informations les plus récentes sur un patient en cas de besoins urgents en matière de soins de santé : « lorsque les millisecondes comptent le plus, votre prestataire de soins de santé peut fournir des conseils proactifs et des recommandations de soins en accédant en temps réel aux données sur vos patients ».
Salesforce a présenté son logiciel CDP, Genie, au public le 20 septembre 2022. Dans une diapositive jointe aux documents du tribunal, l'entreprise répète quatre fois le terme "temps réel". Selon les documents du tribunal, Salesforce a déclaré qu'il s'agissait de la "plus grande annonce" qu'il ait faite depuis la création de l'entreprise. « Cependant, ce n'était qu'un mensonge », affirme Wirth dans sa plainte. Les documents fournis au tribunal par Wirth indiquent que la plateforme Genie ne fonctionne pas aussi rapidement que le suggère le terme "temps réel", et qu'en fait, nombre de ses processus prenaient plusieurs heures". La plainte allègue ce qui suit :
« Alors qu'il était capable d'exécuter certaines fonctions telles que la collecte d'informations en temps réel, d'autres opérations telles que le traitement et l'organisation de ces données prenaient des heures ». Par contre, sur le site web de Salesforce consacré à Genie, l'entreprise indique que "le logiciel collecte et unifie les données en quelques millisecondes". Wirth dit avoir recommandé à Salesforce de développer cette capacité logicielle (le traitement de données en temps réel) fin 2021 ou début 2022, mais il est devenu évident pour l'équipe CDP qu'elle ne pouvait pas "développer la technologie à temps" pour l'annonce de Salesforce en septembre 2022.
La plainte affirme en outre que l'équipe CDP voulait redéfinir le sens du terme "temps réel", afin de pouvoir prétendre à tort que Genie fonctionnait en temps réel. « Le plaignant croyait raisonnablement que le fait d'affirmer publiquement que la plateforme CDP fonctionnait en temps réel sans disposer réellement (ou même sans avoir l'intention de disposer dans un avenir proche) d'une telle capacité serait frauduleux et violait probablement de nombreuses dispositions de la loi fédérale relative à la fraude envers les actionnaires, ainsi que les règles et réglementations de la Securities and Exchange Commission (SEC) », indiquent les documents judiciaires.
Salesforce aurait exercé des représailles à l'encontre de son ancien employé
Dans sa plainte, Wirth affirme avoir été licencié pour avoir soulevé des inquiétudes concernant "la description du fonctionnement de la plateforme en temps réel avant que l'entreprise n'informe le public de l'existence de l'outil". La plainte allègue que lorsque Wirth a fait part de ses préoccupations à de nombreuses personnes au sein de Salesforce (qui avaient le pouvoir d'enquêter, de découvrir ou d'empêcher ce plan frauduleux de porter ses fruits et, plus spécifiquement, d'empêcher Salesforce de faire de fausses déclarations à Dreamforce sur les prétendues capacités en temps réel), il aurait été victime d'une campagne visant à saboter sa réputation.
Selon l'action en justice, après s'être rendu compte que l'équipe CDP n'entendait pas doter Genie de capacités de traitement en temps réel, Wirth a alors décidé d'agir en tant que dénonciateur et a fait part de ses préoccupations à d'autres "cadres clés". Par exemple, il aurait fait part de ses inquiétudes à son supérieur direct, Lidiane Jones, aujourd'hui PDG de Slack Technologies. Mais l'action en justice allègue que "Jones a alors entamé une campagne trompeuse visant à diminuer" la réputation de Wirth au sein de l'entreprise. En dernier recours, Wirth aurait eu une réunion en tête-à-tête avec le directeur technique de Salesforce, Parker Harris.
Lors de cet entretien, Wirth aurait expliqué à Harris que l'équipe CDP refusait d'intégrer le temps réel et que "Jones utilisait de fausses critiques comme prétexte pour diminuer sa position dans l'entreprise, et potentiellement provoquer son licenciement". (Selon la plainte, Jones a recueilli des commentaires négatifs au sujet de Wirth auprès d'individus dont il savait qu'ils prétendraient à tort que les performances de Wirth étaient déficientes. Parmi ces personnes figuraient des membres de l'équipe CDP.) Cependant, l'action en justice indique que Wirth a été licencié quelques heures après la réunion avec Harris, le directeur technique de Salesforce.
La plainte fait état de représailles à l'encontre du dénonciateur, en violation de la loi Sarbanes-Oxley, article 806, 18 U.S.C. §1514A. À ce titre, Wirth demande des dommages-intérêts monétaires, notamment une perte de rémunération, une atteinte à la réputation, une perte de capacité de gain, une détresse émotionnelle, un premier salaire, des dommages-intérêts punitifs, ainsi que des honoraires d'avocat et d'autres frais. L'avocat de Wirth, Patrick J. Hannon du cabinet Hartley Michon à Boston, n'a pas répondu à une demande de commentaire. Salesforce n'a pas commenté l'affaire. Sur la toile, certains soutiennent les arguments de Wirth.
« Il est intéressant de constater que cette question n'a pas été soulevée par les clients ou les consultants de Salesforce. Il y a probablement beaucoup d'entreprises qui s'attendent à des traitements en temps réel et à qui l'on dit que ce n'est pas possible dans leur cas d'utilisation spécifique. Il ne s'agit pas d'un problème de cas d'utilisation. Les diagrammes de l'infrastructure Salesforce montrent clairement des processus ETL (Extract-transform-load) qui ne sont pas en temps réel, déplaçant des données entre des plateformes qui ne sont pas directement intégrées. Il ne s'agit pas d'un système en temps réel dans tous les cas », a écrit un critique.
Wirth a cofondé en 2010 une entreprise technologique appelée Evergage, dont il a été le PDG pendant 10 ans. Evergage est une société de solutions de marketing et de gestion de la relation client personnalisées et en temps réel. La société a été acquise par Salesforce en 2020 et a été rebaptisée Interaction Studio. Après le rachat, Wirth a commencé à travailler en tant que cadre de Salesforce, parallèlement à un groupe de l'entreprise qui s'occupait de la CPD.
Source : document de la plainte (PDF)
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« Salesforce a menti en affirmant que sa plateforme "Genie" traite et organise en temps réel les données des clients »,
Selon l'ancien vice-président de la gestion des produits de l'entreprise
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Selon l'ancien vice-président de la gestion des produits de l'entreprise
Le , par Mathis Lucas
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